Les trois grands constructeurs américains et les filiales de Toyota, Nissan, Volkswagen, demandent Donald Trump d'assouplir les objectifs de réduction des consommations et de CO2. L'objectif de 4,7 Litres aux cents semble draconien au pays où les gros 4x4 et pick-ups occupent plus de la moitié du marché.

Les constructeurs automobiles américains se rebiffent. Les dirigeants de General Motors, Ford, Fiat Chrysler Automobiles (FCA) mais aussi ceux des filiales américaines de Toyota, Nissan ou Volkswagen (18 constructeurs en tout) ont écrit vendredi au président Donald Trump. Objet: revoir les normes d'économies de carburant exigées par l'ancienne administration Obama à échéance de 2025. Dans ce courrier, dont l'agence Reuters a eu connaissance, les patrons arguent que des centaines de milliers d'emplois, voire un million, seraient en jeu... Sans que l'on comprenne très bien en quoi la baisse des consommations des voitures, à l'image de ce qu'ont fait les constructeurs européens, porterait atteinte aux effectifs de la filière auto!

Les normes destinées à réduire les consommations des énormes et voraces véhicules vendus outre-Atlantique  - et partant les émissions de CO2 qui leur sont corrélées - résultaient d'un accord volontaire conclu en 2011 entre l'administration Obama et les constructeurs automobiles. Juste après que ladite administration a renfloué massivement GM et Chrysler, les sauvant en 2009 de la banqueroute. Du coup, les constructeurs convalescents n'avaient pas pu refuser ces limitations. Ces accords couvraient les années 2012-2016, mais l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) avait jusqu'en 2018 pour décider d'abaisser encore les plafonds des consommations à l'horizon 2025. Avec une vision à cet horizon autour de 4,5 litres aux cent kilomètres par véhicule en moyenne. Or, le patron de l'EPA a effectué cette démarche en  janvier, huit jours avant l'investiture de Donald Trump, pour fixer les futures normes, dans l'optique de l'arrivée de la nouvelle administration climato-sceptique. Objectif aujourd'hui: une moyenne à 54,5 miles par gallon, soit 4,3 litres aux cent kilomètres (selon les cycles d'homologation) et 6,5 aux cent en conduite réelle.

Le pick-up Ford F toujours en tête des ventes

Une mesure draconienne pour les "light trucks" - souvent équipés de moteurs à six et huit cylindres - qui occupent plus de la moitié du marché américain et peuvent consommer trois fois plus! L'immense pick-up Ford F demeure d'ailleurs obstinément le véhicule le plus populaire aux Etats-Unis. Au départ, en 2011, les autorités américaines estimaient  que les "light trucks" - qui génèrent les fortes marges des constructeurs de Detroit - retomberaient autour de 33% du marché! Mais les prix bas du carburant (0,60 dollar le litre pour l'essence la plus vendue, soit moins de la moitié du prix français) n'ont rien fait pour éloigner les américains de leurs véhicules habituels. Il est vrai que ces "light trucks" sont spacieux, pratiques, tractent volontiers des caravanes et ne coûtent pas très cher: un Ford F de base coûte le prix d'une Renault Mégane d'entrée de gamme! Les larges avenues, les places de parking surdimensionnées, ne posent pas de problèmes à ces engins, par ailleurs fort accueillants pour les mensurations de l'américain moyen…

La réforme était censée faire économiser 1.700 milliards de dollars aux automobilistes grâce aux consommations en baisse, mais coûter 200 milliards sur treize ans à l'industrie automobile. Le client en 2025 économiserait 4.000 dollars par véhicule grâce aux réductions de consommations, selon le Natural Resources Defense Council. Et ce, malgré un millier de dollars de surcoût pour le véhicule lui-même selon l'EPA. L'objectif de 4,3 litres aux cent correspond à un peu plus de 100 grammes de CO2 au kilomètre (152 en conduite réelle), alors que l'Union européenne a édicté un objectif encore plus draconien de 95 grammes dès 2021. L’Alliance of Automobile Manufacturers (association des constructeurs) s'était dite déçue par une décision prise hâtivement.

Donald Trump climato-sceptique

Dans leur lettre, les dirigeants de l'industrie demandent au nouveau président de rouvrir le dossier. Les dirigeants des ex-"Big Three" de Detroit avaient déjà évoqué le sujet lors d'une rencontre avec Donald Trump à la Maison blanche fin janvier. Le nouveau président leur avait promis d'alléger toutes les normes prétendument inutiles. Et Scott Pruitt, le candidat désigné par Donald Trump pour prendre la tête de l'EPA, a affirmé lors d'une audition au Sénat qu'il réexaminerait la décision de l'administration Obama. Donald Trump avait qualifié le changement climatique de "canular" pendant sa campagne.

John Kerry, l'ancien secrétaire d'Etat de Barack Obama, soutenu par des centaines d'entreprises de son pays et présent à la COP22 de Marrakech à la mi-novembre 2016, avait défendu avec foi la transition vers les énergies renouvelables. Les dirigeants de quelque 180 pays avaient également affirmé à la tribune de la COP22  leur volonté de mettre en oeuvre l'accord de Paris, entré en vigueur le 4 novembre. Certains avaient alors exprimé leur inquiétude de voir l'action mondiale freinée par les Etats-Unis, qui tourneraient le dos à ce pacte après avoir largement contribué à son apparition. L'accord de Paris prévoit que les Etats, sur une base volontaire, rehaussent leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter à 2° l'augmentation présumée de la température mondiale.